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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM

et j’imagine que, parmi les œuvres des philosophes antérieurs, celles de Hegel lui furent seules connues[1]. Mais les volumes de la Logique, alors traduits, et d’assez fâcheuse manière, par M. Véra, paraissent l’avoir tout de suite enthousiasmé. Il cite avec admiration, dans plusieurs passages d’Isis, le nom et les opinions du scolastique allemand. Il reconnaît dans sa doctrine la synthèse finale des philosophies : ouvertement il se déclare hégélien. La doctrine de Hegel est aujourd’hui bien oubliée, et j’avoue ne point savoir quelles merveilles-y a trouvées Tàme prédestinée de M. de Villiers. En somme, cette doctrine est un effort précieux à construire le système complet des choses, mais a priori, arbitrairement, par le moyen d’un procédé facile et sans grande portée. L’univers, pour Hegel, est un parallélisme indéfini de contraires, un immense devenir, constitué par les deux modes de la thèse et de l’antithèse. La mystérieuse réalité se développe sous une double apparence : c’est, dans le monde premier de la logique, l’antinomie de l’Être et du Non-Être : dans le monde ultérieur de notre science, l’Esprit et la Nature : et puis, des rapports ingénieusement établis entre les divers degrés de ces deux apparences en évolution. Malgré cela, un classement plutôt qu’une doctrine, laissant au plein de son mystère fatal le fond même de l’être.

  1. Les âmes ainsi capables d’évoquer sans interruption en elles-mêmes la vie ne lisent pas, ne peuvent pas lire : la lecture sied seulement aux âmes incapables de trouver toujours en elles-mêmes une source jaillissante de vie.