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M. STÉPHANE MALLARMÉ

ner les mois de leur signification propre, mais bien au contraire à leur restituer un peu cette signification, depuis un siècle galvaudée. Nos jeunes écrivains ne voient-ils pas qu’il est déjà presque impossible d’employer un seul mot, dans tout le Dictionnaire de l’Académie : que chacun de ces mots est devenu capable désormais de quarante significations métaphoriques diverses, et que, au train dont vont les choses, chacun pourra bientôt être remplacé, sans rien perdre de son sens, par quatre cents autres ?


Volontiers je vénérerai le symbole dans l’art ; mais je désire qu’on me l’y montre, et employé à une véritable fin artistique. Je sais que M. Stéphane Mallarmé tente, avec une exemplaire constance, cette création d’un art enfin symbolique. Mais son œuvre devra sans doute à la vie qu’il y crée, à la noble hauteur des pensées et à l’expressive harmonie des syllabes, non à l’usage du symbole, son charme précieux. C’est du moins par ces qualités intimes, nullement par leur portée symbolique, que valent à m’émerveiller tous les poèmes de M. Mallarmé. De subtiles peintures, et puis l’âme de l’artiste devant elles s’émouvant, évoquant un monde de passions fougueuses ou désespérées : c’est l’inique sujet, dominant la diversité des contours et nuances.

Voici, par exemple, une série de trois sonnets, publiés naguère dans la Revue Indépendonte :