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nouvelles conceptions de M. Mallarmé, ceux-là y seront aptes qui connaîtront enfin réalisée son œuvre : cette œuvre que nous devons attendre avec une désespérance pieuse.

VI

La part de M. Mallarmé, dans l’Art de nos âges, fut et demeure la plus noble. Il a compris que la Poésie devait avenir à l’Art, et par quels moyens. Puis il a ébauché la tâche de cet avènement, avec les caractères spéciaux de sa nature. Il a produit des poèmes très beaux, les plus beaux, je crois, dont la poésie soit capable aujourd’hui. Demain, — si l’Art hélas, pouvait encore avoir un demain, — la forme de la poésie serait meilleure ; elle deviendrait une prose rythmée et musicale, usant les rimes et les césures, et les assonances, mais seulement lorsque ces procédés seraient exigés par l’expression musicale. Demain, ce serait aussi l’union nécessaire de tous les arts, dans un Livre unique, et l’appel de chacun à sa destination particulière. La Poésie n’aurait plus alors à s’embarrasser de dire les sujets de ses émotions : car elle serait accompagnée toujours de la Prose (littéraire, non poétique) disant les idées, et du Dessin, notant les sensations. Ce serait la vie complètement recréée, par l’Artiste, en tous ses modes. Mais que fais-je à évoquer cet idéal lointain, éloigné encore, indéfiniment, par nos démocraties ?

M. Mallarmé a eu l’honneur d’introduire la Poésie dans l’Art, en la dédiant à exprimer des émotions définies. Déjà, malgré les railleries des fins et des doctes, il a été suivi dans cette voie précieuse. Mais