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II

Telles vertus apparaissent, — éclairées, sans doute, par leur suite prochaine, — dans les premiers poèmes de M. Mallarmé. Elles étaient étrangères et supérieures aux exigences de la poésie parnassienne ; elles devaient, nécessairement, le conduire à une conception nouvelle de la création poétique.

Tandis que les Parnassiens abandonnaient le métier des fines musiques pour écrire des proses égrillardes, ou des narrations rimées de sauvetages, ou des contes héroïques d’un hyperbolisme prestigieux, M. Mallarmé, logicien et artiste, cherchait, infatigablement, la rénovation logique de l’Art. Il avait, je crois, adopté un labeur ; il s’était fait ouvrier d’un ouvrage cruel ; mais afin de gagner l’isolement, les moyens d’échapper à la vue intéressée de ce monde, que, désormais, il voulait contempler comme un haut témoin, sans y être mêlé. Et dans la tranquillité de provinces mortes, après les heures sacrifiées à la tâche des mains, il méditait la signification présente et future de la Poésie.

Il vit alors que la poésie parnassienne était une préparation à la forme poétique véritable, une préparation désormais achevée. Les poètes Parnassiens avaient cherché des musiques ; mais ils n’avaient pas employé ces musiques à exprimer des émotions définies : il pensa que la Poésie devait être un Art, c’est-à-dire la création libre et consciente d’une vie spéciale. Pour cette fin, la Poésie devait s’unir à la Littérature, qui traduit les Idées par des mots précis. Les poètes antérieurs avaient fait une pure musique, séduisant par elle