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Je ne connais pas de spectacle plus affreux et d’une horreur plus tragique que celui de l’interminable agonie de Frederick Nietzsche. Atteint depuis sept ans de paralysie générale, enfermé d’abord dans une maison de santé, puis recueilli par sa mère et sa sœur à Naumbourg, dans la maison paternelle, ce grand esprit est tombé maintenant au plus bas degré de l’animalité. Naguère encore, bien qu’il fût déjà muet et que toute pensée se fût éteinte en lui, il pouvait se promener, s’asseoir à table ; quand on l’appelait par son nom il relevait la tête et un éclair de vie passait dans ses yeux. Mais à présent cela est fini aussi. Rien d’humain ne subsiste plus chez le théoricien du super-homme ; c’est une âme et un corps en décomposition.