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sait Nietzsche de ses relations avec Richard Wagner. Quoi d’étonnant, après cela, que l’affectueuse indifférence de son « allié » pour son plan à lui l’ait de plus en plus froissé et peiné ? Il se résignait à mêler le nom de Wagner au « grand problème grec », et Wagner ne voyait dans son livre qu’un plaidoyer wagnérien ! Il rêvait la fondation d’un « paganisme allemand », et Wagner l’entretenait du progrès des répétitions, à Bayreuth, ou bien le complimentait de sa « flamme » et de son « humour » ! Il décrivait, dans ses essais, l’image idéale qu’il se formait de lui-même, et Wagner lui répondait affectueusement que la lecture de ces essais lui faisait perdre son temps, le retardait pour l’instrumentation du Crépuscule des dieux ! Le malentendu se prolongeait, s’accentuait entre eux.

Il était arrivé à son comble en 1876, lorsque Nietzsche, après la publication de son essai : Wagner à Bayreuth, était venu aux répétitions de l’Anneau du Nihelung. Cet essai, dont Wagner s’était presque borné à lui accuser réception, c’était à son avis une œuvre d’une portée énorme ; elle valait davantage, à elle seule, pour la consécration de l’entreprise wagnérienne, que les applaudissements de la foule et la faveur des souverains. Nietzsche y avait, suivant son expression, « sonné la cloche » pour Richard Wagner.