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compatriotes ne m’a jusqu’à présent guère réussi. Venez sauver ma croyance, un peu ébranlée, dans ce que — avec Gœthe et quelques autres — j’appelle la liberté allemande ! » — « Montrez au monde, lui écrivait-il quelques mois plus tard, ce que c’est que la vraie philologie, et aidez-moi à réaliser la grande Renaissance ! »

Et, de fait, Nietzsche paraissait disposé à vouloir l’y aider. Il publiait, en décembre 1871, un gros livre, la Naissance de la Tragédie, où, sous prétexte d’expliquer la formation du théâtre grec, il glorifiait l’art nouveau de Richard Wagner. Mais il le glorifiait en philologue, et en philosophe, et aussi en poète. Son interprétation de « l’œuvre d’art de l’avenir » était peut-être, çà et là, un peu fantaisiste : mais jamais encore on n’en avait publié d’aussi savante, ni d’aussi agréable à lire, ni venant d’une source aussi autorisée. C’était un grand et important service qu’il rendait à « la cause », et Wagner ne pouvait manquer d’en sentir le prix. « J’ai dit à ma femme, écrivait-il à Nietzsche, qu’après elle c’était vous qui veniez en première ligne ; et après vous, mais à une longue distance, c’est Lenbach, qui vient de peindre un portrait de moi, saisissant de justesse… J’ai toujours besoin de votre livre pour me mettre en train, entre le déjeuner et la reprise de mon travail ; je lis, et puis je reprends la