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l’un à l’autre, et l’admiration et l’adoration mutuelles ; et puis c’est d’un côté la méfiance, de l’autre un doute croissant sur la valeur de l’ami ; c’est la certitude qu’on devra se séparer, et cependant la peur de ne pouvoir pas supporter la séparation ; sans compter mille autres tourments que je ne puis dire ».

La sœur de Frédéric Nietzsche, Mme Elisabeth Fœrster, qui nous rapporte ces paroles de son frère, ajoute que le jeune homme à qui elles s’adressaient en parut stupéfait, mais non convaincu. « Sans doute, dit-elle, il n’avait pas même l’idée qu’on pût ressentir jamais une amitié aussi passionnée. » Mais Nietzsche, lui, parlait par expérience. C’est une amitié de ce genre qui durant sept ans, de 1869 à 1876, l’avait uni à Richard Wagner ; ou plutôt c’est de cette façon qu’il se représentait l’histoire de son amitié, après la rupture finale, et c’est de cette façon que s’efforce de nous la représenter Mme Fœrster, dans le second volume de la Vie de son frère, qui vient de paraître, et dont cette histoire forme, pour ainsi dire, l’unique sujet. Le nom de Wagner revient, en effet, presque à toutes les pages du volume, soit qu’il s’agisse de la vie intime de Nietzsche, ou de son enseignement à l’Université de Baie, ou de ses écrits, ou de l’évolution de ses idées en matière d’art et de philosophie :