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née du moins au côté purement technique, car je n’ai pas besoin de rappeler que, de Lohengrin à Parsifal le style et l’instrumentation de Wagner se ressentent sans cesse davantage de l’étude incessante qu’il faisait de Beethoven. Un témoin de ses dernières années m’a dit que, jusqu’à sa mort, il n’a point passé un jour sans lire quelques pages d’une partition de Beethoven. Mais, au point de vue du sentiment et de l’expression, il n’y a pas un trait commun entre les deux hommes : l’abîme qui les séparait est toujours resté aussi profond.

Cela n’a pas empêché Wagner de comprendre mieux que personne le sentiment et l’expression de Beethoven. Il le considérait comme un être absolument en dehors de la nature humaine, et son œuvre comme un inexplicable prodige, a II est impossible de parler de lui, disait-il, sans tomber aussitôt dans le ton de l’exaltation... Impossible de le comparer aux autres artistes : tous s’effacent devant lui. Shakespeare, c’est toute réalité, toute ressemblance de la vie; mais chez Beethoven tout est revelu d’une réalité idéale : c’est une pure révélation ! — « Voyez, disait-il encore à propos du quatuor en mi bémol majeur, voyez le Maître tout occupé d’une sombre pensée ; mais voici qu’un oiseau a chanté près de lui, et tout s’est rasséréné. » Un soir