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Oui, Wagner a été toute sa vie un auteur dramatique. Toujours il s’est défendu d’être traité comme un musicien, et l’exécution dans les concerts de certains fragments de ses drames lui a toujours paru un fâcheux contresens. Et il n’y a pas à prétendre que tout cela était pure affectation, qu’en réalité Wagner était tout à sa musique, que, sous prétexte de mythes et de symboles, il cherchait seulement à séduire les sens par la délicieuse caresse de ses mélodies. C’est, vous le savez, ce qu’a prétendu Nietzsche ; et bien d’autres l’ont prétendu aussi, qui avaient vécu dans la familiarité du génie de Wagner. Mais ils se trompaient, et le livre de M. Chamberlain le démontre irréfutablement. Wagner a été, en toute sincérité, un auteur dramatique ; du plus profond de son cœur, il a voulu offrir au monde, non pas une musique sensuelle, mais des drames, de grands drames pleins de vie, de passion, et de vérité. Et ce que l’on serait tenté de prendre dans son œuvre pour des ruses de musicien, sincèrement il y a vu des moyens d’action théâtrale.

Toute discussion sur ce point me paraît dorénavant impossible. Ce n’est point pour cajoler nos oreilles, c’est pour nous attendrir au tragique destin de Wotan que Wagner a écrit la Walküre, Siegfried, et le Crépuscule des Dieux,