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INTRODUCTION

à produire une telle somme de travail. Il savait employer tes minutes perdues, qui forment unes grande partie de l’existence, au milieu d’un examen corriger ses épreuves ou écrire des lettres, pendant que ses collègues interrogeaient le candidat ; on le voyait même parfois traverser la cour de l’École de médecine en robe rouge et venir dans son laboratoire surveiller une opération ou s’asseoir à la lampe d’émailleur, dont il savait fort bien se servir, ainsi qu’en témoignent divers apparells qu’il a imaginés et dont tes premiers modèles sont sortis de ses mains.

Il passait avec la plus grande aisance d’une occupation à une autre ; là aussi il n’y avait pour lui aucune perte de temps. Il ne connaissait pas cette mise en train qui mange tant d’heures à ceux qui ont le travail moins facile et l’esprit moins bien équilibré. Il se reposait, semblait-il, d’un travail par un autre.

Toute cette activité scientifique ne pesait pas lourdement sur le budget de l’instruction publique. Wurtz n’avait pour suffire aux dépenses de son laboratoire qu la somme modeste qui lui était allouée pour ses frais de cours. Pourtant il ne s’agissait pas seulement des appareils à acheter et des produits à consommer. Le laboratoire lui avait été remis à peu près nu, et il fallut pourvoir à son installation, y amener le gaz, qui commençait seulement à être employé pour le chauffage des appareils, changer bien des aménagements intérieurs qui laissaient trop à désirer. Tout cela fut fait peu à peu à l’aide des rétributions payées par les élèves. Les démarches du maître pour obtenir une subvention plus élevée n’eurent aucun succès. Lorsqu’il fit valoir les services rendus, un des savants éminents dont l’influence était alors dominante lui répondit que « tout ce qu’on pouvait, c’était de fermer les yeux sur l’irrégularité de cette manière de faire. » C’est seulement beaucoup plus tard, quand il fut nommé doyen de la Faculté, qu’il réussit à obtenir un crédit un peu plus élevé, et d’abord un seul, puis deux préparateurs particuliers pour l’aider dans ses travaux.

En 1877, les travaux de reconstruction de la Faculté de médecine amenèrent la translation du laboratoire de son ancien local dans un autre aménage provisoirement dans les vieilles maisons faisant façade sur la rue des Écoles et sur la rue Hautefeuille.

A l’occasion de l’inauguration de ce nouveau local, les élevés de M. Wurtz lui offrirent un banquet, auquel assistèrent comme invités : M. du Mesnit, alors directeur de l’enseignement supérieur ; M. Bertin, sous-directeur de l’École normale supérieure, ami de Wurtz et qui malheureusement ne lui a pas survécu longtemps ; M. Ginain, architecte de l’École de médecine. On y rappela avec émotion les souvenirs de l’ancien laboratoire, en faisant des vœux pour qu’il sortit du nouveau autant de belles découvertes, autant d’élèves distingués.

En voyant la vigueur, l’activité du maître, son esprit toujours jeune et fécond, c’est à peine si ces vœux pouvaient paraître téméraires.