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INTRODUCTION

lui valut le titre de chef des travaux chimiques de la Faculté. Il en remplit les fonctions jusqu’à son départ de Strasbourg, sous la direction du professeur Cailliot, auquel, par un touchant retour, il eut le bonheur d’offrir l’hospitalité dans son laboratoire, après que le vénérable savant eut été chassé, par la conquête, de sa patrie d’adoption.

C’est là qu’il fit ses premières armes de chimiste, tout en poursuivant ses études médicales et en passant ses examens avec tant de régularité et de modestie que, dans sa famille, on n’était jamais prévenu que du résultat. Pour éviter à sa mère l’émotion de l’attente, Wurtz s’en allait à la Faculté portant sous le bras, en un paquet, l’habit noir de rigueur, et ne s’en revêtait que loin des yeux maternels.

Ses occupations sérieuses et son travail assidu ne l’empêchaient pas d’être d’une grande gaieté et d’apporter dans les amusements de la famille l’entrain qui faisait un des charmes de sa personnalité. Il avait une jolie voix et chantait volontiers : l’occasion ne lui en manquait pas dans une ville aussi musicienne que Strasbourg.

À son retour d’Allemagne, en 1845, il avait même consenti à prendre part à une représentation du Pfingstmontag, la charmante comédie alsacienne d’Arnold, donnée par une société d’amateurs. Il y remplit avec beaucoup de succès le rôle de Reinhold.

Beaucoup plus tard, à Paris, il assistait régulièrement aux concerts du Conservatoire, et souvent à ceux de « la Trompette », création originale de M. Lemoine. Il réunissait aussi dans son salon quelques amis également épris de musique, pour exécuter des chœurs.

Reçu docteur en médecine le 13 août 1843 avec une thèse intitulée : Essai sur l’albumine et la fibrine, qui lui valut une médaille d’honneur de la Faculté, il obtint de ses parents d’aller passer une année à Giessen, où Liebig avait ouvert le premier laboratoire d’enseignement. De là datent ses relations intimes avec M. A.-W. Hofmann, dont les beaux travaux ont plus d’une fois côtoyé les siens, sans que jamais une rivalité scientifique ait pu troubler leur amitié. Il s’y lia aussi avec Strecker, savant distingué dont la mort a interrompu trop tôt la carrière, et avec M. Hermann Kopp, auteur d’une Histoire de la chimie justement célèbre et professeur de physico-chimie à l’université d’Heidelberg.

Liebig l’avait fort bien accueilli et l’avait même chargé de traduire quelques-uns de ses mémoires en français. Ces traductions, envoyées à Paris pour être insérées dans les Annales de chimie et de physique, préparèrent à Wurtz des relations qu’il devait retrouver un peu plus tard, et la plus utile de toutes, celle de M. Dumas.

C’est au laboratoire de Liebig qu’il commença ses recherches sur l’acide hypophosphoreux.

Après son retour de Giessen, précédé d’un rapide voyage qu’il poussa jusqu’à Vienne, il quitta Strasbourg pour ne plus y revenir qu’en passant, et il arriva à Paris vers la fin de mai 1844. Il reçut le meilleur accueil des maîtres de la science, auxquels il se présentait avec la re-