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soumis à une loi déterminée, d’après laquelle il est d’autant plus parfait et plus excellent que leur lieu d’habitation est plus éloigné du Soleil.

Cette loi étant ainsi établie avec un degré de vraisemblance qui ne diffère guère d’une vérité démontrée, l’imagination peut se donner libre carrière dans la comparaison des qualités de ces divers habitants. La nature humaine, qui dans l’échelle des êtres occupe exactement l’échelon du milieu, se trouve placée entre les deux limites inférieure et supérieure de la perfection, à égale distance des deux extrêmes. Si la prééminence des classes les plus élevées des êtres raisonnables qui habitent Jupiter et Saturne excite notre envie et nous humilie à la vue de notre infériorité, nous pouvons d’autre part trouver un sujet de contentement et de satisfaction dans la contemplation des créatures inférieures qui, sur les planètes Vénus et Mercure, restent bien au-dessous de la perfection de la nature humaine. Quel admirable spectacle ! D’un côté nous voyons des créatures pensantes auprès desquelles le Groenlandais et le Hottentot seraient des Newtons, et de l’autre des êtres qui regarderaient Newton comme un singe :

Superior beings, when of late they saw
A mortal Man unfold all Nature’s Law,
Admir’d such wisdom in an earthly shape,
And schew’d a Newton as we schew an ape[1].

Pope, An Essay on Man, Epistle II.

À quelle hauteur de connaissance ne doit pas atteindre l’intelligence de ces êtres fortunés qui habitent les sphères supérieures du monde planétaire, et combien cette vive lumière de leur intelligence doit influer sur leurs qualités morales ! Les vues de l’entendement, lorsqu’elles possèdent le degré requis de plénitude et de

  1. Lorsque les habitants des palais éternels
    Voyaient, naguère encore, le plus grand des mortels,
    Newton, de la Nature expliquer l’harmonie,
    D’un fils de la poussière admirant le génie,
    Ils se montraient Newton, comme un homme, en passant,
    À l’homme qui le suit montre un singe amusant.

    Traduction de de Fontanes.