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qui sont elles-mêmes en relation avec la distance au Soleil. En dépit de l’infinie distance qu’il faut reconnaître entre la force pensante et le mouvement de la matière, entre le corps et l’âme douée de raison, il est pourtant bien certain que l’homme, qui tire toutes ses connaissances et ses idées des impressions que l’Univers éveille en son âme par l’intermédiaire du corps, dépend entièrement, aussi bien au point de vue de la clarté de ces impressions que de la promptitude à les réunir et à les comparer, que l’on appelle la faculté de penser, des propriétés de la matière à laquelle le Créateur l’a enchaîné.

L’homme est bâti pour recevoir les impressions et les émotions que le monde doit éveiller en lui, par l’intermédiaire du corps, qui est la partie visible de son être, et dont la matière non seulement sert à imprimer à l’âme invisible qui habite en lui les premières connaissances des objets extérieurs, mais aussi intervient inévitablement dans ce commerce intérieur qui consiste à répondre aux impressions et à les combiner, en un mot dans l’acte de la pensée[1]. À mesure que son corps se développe, les facultés de sa nature pensante atteignent le degré correspondant de perfection, et elles n’arrivent à tout leur épanouissement normal et viril que lorsque les fibres de son organisme ont acquis la solidité et la durée qui caractérisent leur complète formation. On voit d’abord se développer en lui les facultés par lesquelles il peut suffire aux exigences auxquelles le soumet sa dépendance des choses extérieures. Il est des hommes qui restent à ce premier degré de développement. La faculté de combiner des connaissances abstraites, et de dominer par un libre emploi de l’intelligence les inclinations des passions, apparaît plus tard dans la vie, chez quelques-uns jamais ; chez tous elle reste faible, à l’avantage des forces inférieures, sur lesquelles l’intelligence au contraire devrait dominer et dont l’asservissement constitue la perfection de la nature humaine. Si l’on considère la vie de la plupart des hommes, cette créature semble avoir été faite

  1. Il est démontré par les principes de la Psychologie que, en raison de la constitution actuelle par laquelle la création a rendu le corps et l’âme dépendants l’un de l’autre, l’âme non seulement ne peut arriver à la connaissance de l’Univers qu’à travers ce corps auquel elle est unie et par son influence, mais que l’exercice de la faculté de penser elle-même dépend de cette constitution et emprunte pour cela l’aptitude nécessaire à l’assistance du corps.