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contredire absolument cette théorie. L’espace céleste, nous l’avons dit souvent, est vide ou du moins ne contient qu’une matière infiniment ténue qui, par suite, ne peut être invoquée comme un moyen d’imprimer aux astres leur mouvement commun. Cette difficulté est si considérable, que Newton, qui avait plus qu’aucun autre mortel toute raison de se fier aux vues de sa philosophie, s’est vu forcé d’abandonner entièrement l’espoir d’expliquer par les lois de la Nature et les forces de la matière l’impulsion originelle communiquée aux planètes, quoique l’accord des mouvements indiquât nettement l’existence d’une cause mécanique. Quelque douloureuse que fût pour un philosophe l’obligation d’abandonner la recherche de la cause première d’une propriété complexe, qui semblait ne se rattacher en rien aux lois fondamentales simples, et de se contenter d’invoquer la volonté immédiate de Dieu, Newton dût reconnaître ici la limite qui sépare l’action des forces naturelles et celle de la main de Dieu, le cours des lois constantes de la nature et l’ordre immédiat du Tout-Puissant. Lorsqu’une si grande intelligence a désespéré de découvrir ce mystère, il peut paraître téméraire d’en chercher encore la solution.

Et cependant, cette difficulté même qui enleva à Newton l’espoir d’expliquer par les forces naturelles les impulsions qu’ont reçues les planètes, et dont la direction et la grandeur ont donné à l’Univers son caractère systématique, est devenue l’origine de la constitution théorique que nous avons exposée dans les Chapitres précédents. Elle est le fondement d’une doctrine mécanique, complètement différente, il est vrai, de celle que Newton trouva insuffisante et qui le força à faire intervenir la cause première, Dieu, à l’exclusion de toute cause secondaire, parce qu’il crut à tort, si j’ose écrire ce mot, qu’elle était la seule admissible parmi toutes les théories imaginables. Il est, au contraire, très facile et naturel de déduire de la difficulté qui arrêta Newton, par une série de raisonnements brefs et solides, une démonstration du mode d’explication mécanique que nous avons esquissé dans ce Mémoire. Si l’on admet, et il est impossible de ne pas se ranger à cette opinion, que l’harmonie parfaite des mouvements des astres et la coïncidence des plans de leurs orbites démontrent l’existence d’une cause naturelle qui en est la source, cette cause ne peut pourtant pas être la matière qui remplit aujourd’hui les espaces célestes. Il faut donc que ce