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bitation avec le centre de la création, je chercherais plutôt la classe la plus parfaite des êtres raisonnables loin de ce centre que dans son voisinage. La perfection des créatures douées de raison, en tant qu’elle dépend des propriétés de la matière, dans les liens de laquelle elles sont entravées, tient surtout à la finesse de l’élément par l’intermédiaire duquel elles reçoivent la perception du monde extérieur et réagissent sur lui. L’inertie et la résistance de la matière font obstacle à la liberté d’action de l’être spirituel et à sa claire perception des choses extérieures, elles émoussent ses aptitudes, en n’obéissant pas avec une aisance parfaite à ses impulsions. D’après cela, si l’on suppose, par une raison d’analogie avec notre propre système, les matières les plus lourdes et les plus denses au voisinage du centre de la nature, et au contraire, à mesure que la distance augmente, la matière augmentant de finesse et de légèreté, la conséquence est aisée à saisir. Les êtres raisonnables, dont le lieu de développement et l’habitation se trouvent plus proches du centre de la création, sont plongés dans une matière rigide et immobile, qui maintient leurs forces emprisonnées dans une inertie insurmontable, et qui est en même temps impropre à leur apporter et à leur communiquer des impressions nettes et claires du monde extérieur. On devra donc compter ces êtres pensants dans la classe la plus inférieure ; au contraire, à mesure qu’on s’éloignera du centre, la perfection du monde des esprits, qui dépend de sa liaison avec la matière, croîtra d’une façon continue. C’est dans la plus profonde dégradation qu’il faut supposer, à ce centre d’attraction, les êtres pensants de l’espèce la plus inférieure et la moins parfaite. C’est là que, dans des ombres de plus en plus épaisses, l’excellence de l’être se perd finalement dans le manque absolu de réflexion et de pensée. En fait, si l’on considère que le centre de la nature constitue à la fois le commencement de son évolution hors de la matière brute et sa limite avec le chaos ; si l’on ajoute que la perfection des êtres spirituels, qui a sa limite inférieure au point où leurs aptitudes confinent à l’absence de raison, ne reconnaît dans l’autre sens aucune borne au delà de laquelle son développement ne puisse s’élever, et voit ainsi s’ouvrir devant elle de ce côté une carrière véritablement infinie ; on sera conduit, si vraiment il existe une loi d’après laquelle les lieux d’habitation des créatures raisonnables sont distribués dans l’ordre de leur rapport