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vaille incessamment à leur destruction, l’éternité contiendra en soi toutes les périodes possibles pour amener finalement, par une décadence progressive, l’instant de leur destruction. Newton, ce grand admirateur des qualités de Dieu dans la perfection de ses œuvres, qui joignait à l’intelligence la plus profonde des beautés de la nature, le plus grand respect pour la manifestation de la toute-puissance divine, s’est vu obligé de prédire à la nature sa destruction finale par la tendance naturelle que la mécanique du mouvement a vers cette destruction. Dès qu’une portion d’un système, aussi petite qu’on voudra la supposer, est nécessairement, en conséquence de l’instabilité du système, amenée à la destruction au bout d’un temps suffisamment long, il s’ensuit forcément que, dans le cours de l’éternité, un moment viendra où ces amoindrissements successifs auront épuisé tout mouvement.

Mais nous ne pouvons regretter la disparition d’un monde comme une véritable perte de la nature. Celle-ci manifeste sa richesse en prodiguant sans cesse d’innombrables créations nouvelles qui, pendant que quelques parties payent leur tribut à la mort, maintiennent intactes l’étendue et la perfection de son domaine. Quelle innombrable quantité de fleurs et d’insectes fait périr une seule journée froide ! nous n’y faisons point attention, quoiqu’ils soient d’admirables œuvres d’art de la nature et des témoignages de la toute-puissance divine ! Mais, dans un autre lieu, cette perte est compensée avec surabondance. L’homme, qui paraît être le chef-d’œuvre de la création, n’est pas lui-même excepté de cette loi. La nature montre qu’elle est tout aussi riche, tout aussi inépuisable pour produire les plus excellentes des créatures que pour produire les plus méprisables ; et la disparition des mondes n’est qu’une ombre nécessaire dans la variété de ses soleils, parce que leur production ne lui coûte rien. Les contagions, les tremblements de terre, les inondations font disparaître des peuples entiers de la surface du sol ; mais il ne paraît pas que la nature en reçoive quelque dommage. De même des mondes entiers et des systèmes de soleils quittent la scène de l’Univers, après qu’ils y ont joué leur rôle. L’infini de la Création est assez grand pour qu’un monde ou même une Voie lactée de mondes ne soient devant lui que ce qu’est pour la Terre une fleur ou un insecte. Pendant que la nature parcourt l’éternité à pas variés, Dieu reste occupé à une création incessante