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au contraire exigeant un temps d’autant plus long que la distance est plus grande, puisque les particules sont plus dispersées et plus lentes à se rassembler en un centre de formation.

Si l’on examine l’hypothèse entière que je viens d’esquisser, dans tout l’ensemble et de ce que j’ai dit, et de ce qu’il me reste encore à exposer, il me semble que l’audace de ses conceptions devra paraître tout au moins excusable. La tendance inévitable qui entraîne peu à peu à sa ruine tout système de mondes arrivé à sa perfection peut encore être comptée parmi les raisons qui démontrent que l’Univers doit être en certaines régions fécond en mondes nouveaux, afin de remplacer ainsi les vides qui se sont faits en d’autres lieux. Toute la portion de l’Univers que nous connaissons, bien qu’elle ne soit qu’un atome auprès de ce qui reste caché au-dessus comme au-dessous du cercle de notre vue, suffit à établir ce principe de l’incessante fécondité de la nature, fécondité sans limites parce qu’elle n’est pas autre chose que l’exercice même de la toute-puissance divine. Autour de nous, des animaux et des plantes sans nombre sont journellement détruits, et disparaissent victimes de la mort ; mais la nature en reproduit un nombre au moins égal en d’autres lieux, et comble les vides par sa puissance inépuisable de production. Des régions tout entières du sol que nous habitons sont ensevelies sous la mer, d’où une période plus heureuse les avait fait émerger ; mais, en d’autres lieux, la nature remplace ses pertes et amène au jour des terres qui étaient cachées dans les profondeurs de l’Océan, pour étendre sur elles de nouvelles richesses de sa fécondité. De même les mondes et les systèmes de mondes passent et sont engloutis dans l’abîme de l’éternité ; mais la création est toujours à l’œuvre, pour faire naître de nouvelles formations dans d’autres régions du ciel, et remplacer avec avantage celles qui ont disparu.

Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner de constater l’œuvre de la mort, même dans la plus magnifique des œuvres de Dieu. Tout ce qui est fini, tout ce qui a un mouvement et une origine, porte en soi le signe de sa nature bornée, doit périr et avoir une fin. La durée d’un monde a sans doute par l’excellence de sa formation une stabilité qui, pour notre intelligence, équivaut presque à une durée infinie ; peut-être des milliers, des millions de siècles ne l’épuiseront pas. Mais, comme la fragilité qui est le propre des natures finies tra-