Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nuit muette, pleine de matière prête à servir d’élément aux mondes qui doivent se créer dans l’avenir, et à leur donner par ses ressorts intérieurs ce léger ébranlement qui sera l’origine des mouvements dont s’animera un jour l’immensité de ces espaces déserts. Il s’est écoulé peut-être une série de millions d’années et de siècles avant que la sphère de la nature façonnée, dans laquelle nous nous trouvons, ait atteint la perfection que nous lui voyons maintenant, et il s’écoulera peut-être une période aussi longue avant que la nature ait fait un nouveau pas aussi grand dans le chaos. Mais la sphère de la nature déjà façonnée est incessamment occupée à s’étendre plus loin. La création n’est pas l’œuvre d’un instant. Après qu’elle a commencé par la production d’une infinité de substances et de matériaux, elle est constamment en action, à travers la suite de l’éternité, et sa fécondité va grandissant sans cesse. Il s’écoulera des millions et des montagnes de millions de siècles, pendant lesquels toujours de nouveaux mondes et de nouveaux systèmes de mondes se formeront les uns après les autres dans les espaces lointains autour du centre de l’Univers, et atteindront leur état parfait ; ils auront, en dehors de l’arrangement systématique de leurs parties constituantes, une relation générale avec ce centre, qui a été le point de première formation et qui, en raison de sa masse prépondérante, est devenu par son pouvoir d’attraction le centre de la création. L’étendue infinie des temps à venir que produira l’inépuisable éternité animera partout l’espace où Dieu est présent, et lui donnera peu à peu l’ordonnance régulière que lui assigne l’excellence de son plan ; et si l’on pouvait, par une audacieuse conception, comprendre à la fois d’une seule pensée toute l’éternité, on verrait tout l’espace infini rempli de systèmes de mondes et la création accomplie. Mais, de même que de la série des temps qui composent l’éternité, ce qui reste est toujours infini, et ce qui est écoulé fini, de même la sphère de la nature déjà façonnée n’est toujours qu’une partie infiniment petite de l’espace qui contient les germes des mondes futurs et qui s’efforce de sortir de l’état brut du chaos dans des périodes plus ou moins longues. La création n’est jamais terminée. Elle a commencé un jour, mais elle ne finira jamais. Elle est sans cesse en action pour faire faire à la nature un nouveau pas, pour produire des choses nouvelles et des mondes nouveaux. L’œuvre, qu’elle a amenée à l’état de perfection est proportionnée