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taine que cet anneau n’a pas été formé de la matière élémentaire générale, qu’il n’a pas emprunté son mouvement à la chute de cette matière ; qu’il s’est au contraire élevé de la planète elle-même, déjà très avancée dans sa formation, et que c’est à la force d’impulsion qu’il en a reçue lorsqu’il en faisait partie qu’il doit de conserver, après sa séparation, un mouvement et une direction en relation avec la rotation axiale de la planète[1].

Le plaisir d’avoir compris et expliqué les conditions d’existence et le mode de formation d’un des phénomènes les plus rares du Ciel nous a entraînés dans des développements un peu longs. Je demande encore à la bienveillance de mes aimables lecteurs de me suivre dans une digression, puis, après nous être laissés aller au dévergondage de notre imagination, nous reviendrons avec d’autant plus de précautions et de soins dans le domaine de la réalité.

Ne pourrait-on pas se figurer que la Terre a autrefois possédé un anneau tout comme Saturne ? Cet anneau se serait élevé de sa surface, comme celui de Saturne, et se serait conservé longtemps, pendant que la Terre passait, pour une cause inconnue, d’une rotation beaucoup plus rapide à sa vitesse actuelle ; ou bien sa formation pourrait être attribuée à la matière primitive qui l’aurait con-

  1. L’édition des œuvres de Kant de Hartenstein donne ici la note suivante : « Déclaration recueillie de la bouche de Kant en 1791 ». La grande vraisemblance et la conformité avec l’observation de ma théorie de la formation de l’anneau de Saturne aux dépens d’une matière vaporeuse en mouvement suivant les lois des forces centrales éclaire et confirme ma théorie de la formation des grands astres eux-mêmes, que j’ai déduite des mêmes lois, à cette seule différence près, que ceux-ci empruntent leur force d’impulsion à la chute de la matière primitive sous l’empire de la pesanteur universelle, et non à la rotation axiale du corps central. La vraisemblance de cette théorie du ciel devient plus grande encore, si l’on tient compte d’un complément qui y a été ajouté plus tard et a reçu la haute approbation de M. le Conseiller aulique Lichtenberg : la vapeur primitivement répandue dans l’espace, qui contenait à l’état élastique les variétés en nombre infini de la matière, a donné naissance aux astres uniquement sous l’action de l’affinité chimique ; lorsque des matériaux doués de cette affinité venaient à se rencontrer dans leur chute, ils anéantissaient réciproquement leur élasticité pour se combiner en des masses plus denses, et la chaleur résultant de la combinaison se traduisait, dans les grands corps de l’Univers, les soleils, par le rayonnement lumineux à l’extérieur, dans les corps plus petits, les Planètes, par la chaleur interne.