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laisser à l’intelligence du lecteur le soin d’en apprécier la valeur, plutôt que de les revêtir de l’éclat d’une démonstration, rigoureuse en apparence, mais qui pourrait en faire suspecter la valeur : j’aime mieux m’assurer les suffrages des savants que capter ceux des ignorants.

Je suppose donc que tous les matériaux dont se composent les sphères, planètes et comètes, qui appartiennent à notre monde solaire, décomposés à l’origine des choses en leurs éléments primitifs, ont rempli alors l’espace entier dans lequel circulent aujourd’hui ces astres. Cet état de la nature, lorsqu’on le considère en soi et en dehors de toute préoccupation de système, paraît être le plus simple qui ait pu succéder au néant. À cette époque, rien n’avait encore pris une forme. La formation et le rassemblement de corps célestes isolés, séparés par des intervalles proportionnés aux attractions, leur forme qui résulte de l’équilibre de la matière amassée pour les produire, tout cela constitue un état postérieur de la nature. Celle-ci, qui touchait encore immédiatement à la création, était aussi brute, aussi informe que possible. Mais déjà, dans les propriétés essentielles des éléments qui constituaient le chaos, on peut reconnaître la marque de cette perfection qu’ils tiennent de leur source, puisque leur existence découle de l’idée éternelle de l’Intelligence divine. Les propriétés les plus simples et les plus générales qui semblent avoir été ébauchées sans plan ; la matière, qui semble être purement passive et absolument dépourvue de forme et d’ordonnance, possède dans son état le plus simple une tendance à se façonner en une organisation parfaite par une évolution naturelle. Mais la variété des genres d’éléments est un fait capital pour la mise en mouvement de la matière et l’organisation du chaos, car elle détruit l’immobilité qui aurait été la conséquence de l’homogénéité des éléments, et le chaos commence à se façonner autour des points de plus forte attraction. Cette variété des éléments est sans aucun doute infinie, car la nature se montre partout sans limite. Ceux des éléments qui ont la plus grande densité spécifique et la plus grande force d’attraction, qui par suite occupent le moindre espace et sont en même temps plus rares, s’ils sont uniformément distribués dans l’espace, sont en conséquence plus disséminés que ceux d’espèce plus légère. Les éléments de poids spécifique mille fois plus grand sont mille fois et peut-être des mil-