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équivaut à dire : Donnez-moi de la matière, et je vous en ferai un monde. Est-ce que la faiblesse de tes lumières, presque toujours en défaut dans les moindres choses qui se présentent à tes sens, journellement et à la portée, ne te démontre pas combien est vaine la tentative de vouloir découvrir l’incommensurable et ce qui se passa dans la nature avant que le monde fût ? Je réduis à néant cette objection, en montrant clairement que, de toutes les recherches qui peuvent être tentées dans l’étude de la nature, celle que j’entreprends est précisément celle où l’on peut le plus facilement et le plus sûrement remonter jusqu’aux origines. De même qu’entre tous les problèmes des sciences naturelles, aucun n’a été résolu avec plus de justesse et de certitude que celui de la véritable constitution de l’Univers en général, des lois des mouvements et du mécanisme intime du cours des planètes ; de même que dans la philosophie naturelle, il n’est rien de comparable aux vues que nous a ouvertes la philosophie de Newton ; de même je prétends que, parmi toutes les choses de la nature dont on recherche la cause première, l’origine du système du monde et la formation des corps célestes avec les causes de leurs mouvements sont les premiers mystères au fond desquels notre vue doit pouvoir pénétrer. La raison en est facile à saisir. Les astres sont des masses rondes, par conséquent de la forme la plus simple que puisse prendre un corps dont on recherche l’origine. Leurs mouvements aussi sont sans complication ; ils ne sont que la libre continuation d’une impulsion une fois donnée, qui devient circulaire par sa combinaison avec l’attraction du corps central. En outre, l’espace dans lequel ils se meuvent est vide ; les intervalles qui les séparent les uns des autres sont immensément grands ; tout est donc disposé le plus clairement pour éviter la confusion des mouvements et en rendre la détermination facile. Il me semble que l’on pourrait dire ici sans témérité et dans le vrai sens des mots : Donnez-moi de la matière et j’en ferai un monde, c’est-à-dire, donnez-moi de la matière, je vais vous montrer comment un monde doit en sortir. Car si l’on a de la matière douée par essence de la force d’attraction, il n’est pas difficile de déterminer les causes qui peuvent avoir contribué à l’arrangement du système du monde considéré en général. Nous savons à quoi tient qu’un corps prend une forme arrondie ; nous comprenons pourquoi il est nécessaire que des sphères librement