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Chaos lui-même ne peut rien engendrer que l’ordre et la régularité.

J’ai trop bonne opinion de la rectitude de jugement des lecteurs qui feront à mon Essai l’honneur de l’examiner, pour ne pas être assuré que les raisons que je viens d’exposer, si elles n’écartent pas entièrement la crainte de voir mon système aboutir à des conséquences coupables, mettront du moins hors de doute la pureté de mes intentions. Si néanmoins il est des personnes, animées d’un zèle plus malicieux, qui croient devoir à leur pieuse réputation de donner à mes intentions les plus innocentes des interprétations mauvaises, je suis persuadé que leurs critiques produiront sur les gens sensés un effet exactement opposé à celui qu’elles en attendent. Je réclame d’ailleurs hautement le droit que les juges de tous les temps ont accordé à Descartes, lorsqu’il a osé expliquer la formation de l’Univers par le seul jeu des lois de la Mécanique. Je citerai sur ce point l’opinion des auteurs de l’Histoire générale du monde[1] : « Il nous est impossible de croire que la tentative de ce philosophe, d’expliquer la formation du monde, à un moment déterminé, par la simple continuation d’un mouvement initial imprimé à la matière isolée, et de ramener cette formation à l’action d’un petit nombre de lois simples et générales, puisse être, comme on l’a dit parfois, répréhensible ou attentatoire à la majesté divine. Nous en dirons autant des essais d’autres savants qui, depuis Descartes et avec plus de succès, ont tenté la même entreprise, en s’appuyant sur les propriétés originelles imprimées à la matière par son Créateur. De pareils essais tendent bien plutôt à donner une plus haute idée de l’infinie sagesse de Dieu. »

J’ai essayé d’écarter les objections que l’on pouvait faire à ma thèse au point de vue religieux. Il en est d’autres non moins fortes contre le but même que je me propose. S’il est vrai, dira-t-on, que Dieu a placé dans les forces de la nature un art caché, en vertu duquel elles ont pu tirer du Chaos l’ordre parfait de l’Univers ; comment l’intelligence de l’homme, si faible en face des sujets les plus ordinaires, sera-t-elle capable de sonder les mystérieuses propriétés qui ont concouru à un si vaste dessein ? Une aussi folle entreprise

  1. Campbell et Swinton. Je n’ai pu trouver aucun renseignement sur cet ouvrage. (Note du Traducteur.)