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le nu au théâtre

Le duc d’0… se rendoit en compagnie du comte de Rochefort et l’un de ses amis, chez une fameuse courtisane, la Neveu, que Boileau a célébrée dans sa Satire iv :

Et combien la Neveu, devant son mariage,
À de fois au public, vendu son pucelage.

Pour satisfaire ces visiteurs, la maîtresse du logis envoie chercher un renfort d’actrices. On fit des folies et surtout du tapage. Le duc promet un petit divertissement à la courtisane et, avant de se coucher auprès d’elle et Wallon, il fait envoyer chercher par ses gens le commissaire sous prétexte qu’on faisait du bruit dans la maison. Le commissaire arrive et fait lever les deux hommes couchés, qui se moquent de l’autorité ; les policiers les saisissent et les font habiller. Mais le commissaire reconnoît le prince aux marques de sa dignité ; il est saisi d’effroi et se prosterne aux pieds de Son Altesse. Celle-ci le rassure et lui promet qu’il en seroit quitte à bon marché ; il fait venir alors toutes les filles de la maison, les range en ligne, de manière qu’elles présentent leur derrière nu à la compagnie et on oblige le commissaire avec sa suite de se mettre en chemise et de venir l’un après l’autre, une bougie à la main, faire amende honorable aux postérieurs de ces demoiselles. Ce qui fut rigoureusement exécuté avec toutes les formalités ordinaires.

Et pourtant nous n’en sommes encore qu’au siècle de l’austère Louis xiv — austère pour les autres, et non pour lui — et de la rigide Maintenon. L’époque que nous allons aborder maintenant, celle de la Régence, du libidineux Louis xv, le temps des financiers somptueux, des courtisanes reines de Paris, sera bien plus fertile en incidents où l’exhibition du nu sera un des principaux éléments d’immoralité et d’excitation à la débauche.