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le xviie siècle

par l’exemple de la Maupin, âme masculine enfermée dans une poitrine — une très belle poitrine de femme.

Le geste hardi de Mlle d’Aubigny, se dépoitraillant en public, n’avait rien d’excessif au dix-septième siècle. La grande roideur des vertus des vieux âges, comme disait Philinte, avait depuis longtemps disparu des mœurs et coutumes, et Alcesle était sans doute le seul, dans sa misanthropie intempestive, à se réclamer d’une honnêteté et d’une pudeur surannées. À la ville, de même qu’au théâtre, on n’était pas ennemi d’une douce licence. Qu’on en juge par les deux aventures suivantes.

L’une est rapportée par le chanoine Maucroix au chanoine Favart, dans une lettre datée du 17 février 1682 : « On porte présentement, écrit-il, des manteaux qui s’en vont quasi jusqu’aux talons ; tous les jeunes gens de la cour en ont de cette sorte. Ce jeune monsieur (M. de B.), un jour qu’il y avoit un bal célèbre, se déshabille tout nu ; j’entends qu’il ôte jusqu’à sa chemise et ne garde que les bas de soie et les souliers, il prend son grand manteau, s’empaquette bien là dedans ; j’oubliois qu’il avoit encore une cravate. Le voilà allé au bal. La dame, civile, Dieu sait ! ne manque pas de prier M. de B. de vouloir danser ; il l’en supplie fort modestement de l’en vouloir dispenser et qu’il n’étoit point en état de cela. Le scélérat se tenoit bien enveloppé dans un manteau : on le prie encore ; il s’excuse, on insiste : « Madame puisque vous me le com- mandez, je m’en vais donc danser ». Et, en même temps, il jette en bas son manteau et paroit à peu près comme Adam et Ève avant le péché ; et femmes de crier, filles de s’enfuir et de boucher leurs yeux, vous entendez bien, notre cher, en ouvrant un peu les doigts[1]. »

La deuxième aventure non moins typique sur l’état des mœurs du Grand Siècle pourrait, comme une comédie célèbre, s’intituler : Le Commissaire est bon enfant. Elle témoigne de ce qu’étaient alors les jeux de princes, moins cruels que ceux de César Borgia, mais aussi peu innocents.

  1. À la cour d’Angleterre, assure de Grammont, les pudiques miss ou mistress allaient jusqu’à accoucher accidentellement en plein bal : « 7 janvier 1663. — Le capitaine Ferrers me dit qu’il y a un mois, à l’un des bals de la cour, une des dames, en dansant, laissa tomber un enfant, mais on ne sut qui c’était ; quelqu’un le ramassa dans son mouchoir. Le lendemain toutes les filles d’honneur se montrèrent de bonne heure à la cour pour se justifier, de sorte que personne ne peut dire à qui ce malheur était arrivé. Mais on dit que Mlle Wells est tombée malade ce même soir et n’a pas reparu depuis, de sorte que l’on conclut que c’est elle.

    « 8 février 1663. — M. Pickerwig me dit qu’il est très vrai que le corps d’un enfant a été trouvé par terre à l’un des bals de la cour ; le roi le fit porter dans son cabinet et le disséqua, et il en a fait de grandes plaisanteries, disant que, dans son opinion, l’enfant devait avoir un mois et trois heures (sic), et que c’est lui qui y perd le plus, quelle que soit l’idée que les autres peuvent avoir, puisque c’était un garçon, et qu’il a ainsi un sujet de moins. »