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le nu au théâtre

À dire vrai, cette Mancini, duchesse de Bouillon, digne sœur de la noire Olympe ne valait pas cher. Le temps était passé de ses tendres amours avec le jeune Louisxiv et celle qui avait failli devenir reine de France, menait alors une vie extraordinairement dissolue.

La polémique des tétons ne devait pas s’en tenir là. Le duc de Nevers répliqua par un sonnet plus violent encore que les autres. Après avoir menacé de son bâton Boileau et Racine, et pris la défense de sa sœur Mancini, le duc déclarait :

Ce fut une Furie aux crins plus noirs que blonds
Qui leur pressa, du pus de ses affreux tettons,
Ce sonnet qu’en secret leur cabale idolâtre.

La bataille eût pu durer longtemps si le Grand Condé n’était intervenu. Il écrivit aux deux poètes Boileau et Racine ce court billet : « Si vous n’avez pas fait le sonnet (le n°2), venez à l’Hôtel de Condé où M. le Prince saura bien vous garantir puisque vous êtes innocents. Et, si vous l’avez fait, venez aussi : car M. le Prince vous prendra de même sous sa protection, parce que le sonnet est très plaisant et plein d’esprit ». En même temps il fit prévenir le duc de Nevers « qu’il vengerait comme siennes les insultes qu’on s’aviserait de faire à deux hommes d’esprit qu’il aimait et prenait sous sa protection ». Ce qui n’empêcha pas la chute retentissante du chef-d’œuvre racinien, laquelle eut pour effet de conduire à la retraite un génie de trente-huit ans.

Si les actrices n’avaient pas toutes la réputation d’une Champmeslé ou d’une Du Parc, du moins dans le domaine de la galanterie dépassaient-elles ces deux étoiles ; ce n’est pas toutefois qu’elles l’emportassent par une plastique impeccable ; l’ainée des sœurs Pézaut, notamment, avait la poitrine atrocement plate, et presque rien de féminin, ce qui explique l’amour que Lulli lui témoigna, mais non la syphilis dont elle le gratifia[1]. D’autres, telle Mme l’Oisillon, avait de beaux seins, mais peu de talent, d’où l’admiration de Robinet, rendant compte des Amours de Vénus et d’Adonis (1670), de Devisé :

Les deux belles-sœurs Des Urlies,
L’une et l’autre assez accomplies,
Et Mad’moiselle l’Oyzillon
Ayant fort la gorge selon
Qu’une gorge belle me semble.

  1. Pourtant, l’ancien gâte-sauce florentin appliquait le règlement avec la rigueur d’un puritain : s’étant aperçu que la taille de Mlle Le Rochois prenait un développement exagéré, il lui en fil l’observation. La célèbre cantatrice pensa se justifier en tirant de sa poche un valet de pique sur lequel était écrite une promesse de mariage. Lulli déchira la carte et expulsa l’impudique pensionnaire de l’Opéra ; mais il la reprit bientôt sous de hautes influences.