Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
le nu au théâtre

Dans le Mystère de Sainte Barbe, représenté à Metz, en 1468, la sainte qui, selon l’usage, était figurée par un jeune homme, apparaissait nue aux yeux du public. Comme on était au cœur de l’hiver, l’acteur portait un maillot et, peut-être, suivant la conjecture de certains bibliographes, pour aider à l’illusion, ne se montrait-il que jusqu’à la ceinture. Au moment du supplice de la sainte, un des personnages, Marcian, s’écriait :

Tranchez ces mamelles du corps,
Comme chose très diffamable
Et en femme vitupérable…

Aussitôt, les seins en carton tombaient sous le couteau du bourreau. À différents intervalles du Mystère de la Conception (1486), de Jean Michel, poète angevin, premier médecin de Charles viii, Anne, Elysabeth et Marie accouchent toutes trois sur le théâtre, transformé pour la circonstance en clinique obstétricale.

Bien mieux, dans le théâtre celtique plus rude encore et plus conventionnel que le théâtre français, le spectateur assistait à des scènes naturalistes, dignes de Zola. On supposait M. de Chirac l’inventeur de l’accouchement scénique ; pas du tout, si on en croit l’érudit Anatole le Braz. Dans la Création du Monde, rapporte ce dernier, l’accouchement d’Ève était complètement mimé ; ce genre de spectacle, que la délicatesse française n’admet guère, était prisé des simples et naïfs Bretons qui n’y voyaient aucune obscénité. Ces représentations se terminaient par des libations et des danses auxquelles participaient les assistants ; il en était de même en Cornouailles. « Et maintenant, sonneurs, sonnez dans vos cornemuses », s’écrie en guise d’adieu au public le comte de Vannes à la fin de la deuxième journée de la Vie de Saint Mériadec. « Des danses, il faut des danses à tout fils de la mamelle[1]. »

Le souci de l’exactitude dans la mise en scène était à cette époque poussé fort loin. C’est ainsi que dans le Mystère de la Passion d’Arnoul Gresbau, on lit cette indication scénique : « Soit Jhésus hors du fleuve Jourdain et se jecte à genoux tout nud devant paradis ».

Mais le plus curieux, c’étaient les trucs, ou pour mieux dire les fainctes, qu’il fallait employer pour donner l’illusion du vrai aux spectateurs. Qu’on en juge par ces détails empruntés aux « Fainctes qu’il conviendra faire pour le Mistère des actes des apotres, 1586, Bourges ».

Fault qu’il y aye ung parquet auquel soient baptizés le roy, la royne, Denis, Pelagie et tous de sa maison. Ce faict, saint Thomas se doit esvanoyr par soubz terre.

Fault une secrete de teste ou eslomach à Gaius (disciple de saint Jean-Baptiste), parce qu’il sera tué par les Rommains.

  1. A. Le Braz, le Théâtre celtique. The life of S. Meriadek, cité par Le Braz.