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CHAPITRE iii

La mise en scène au xve et au xvie siècle


Le nu dans les Miracles et les Passions. — Les femmes en costume d’Ève, dans les cortèges. — Les « entrées » royales. — Les licences du théâtre primitif.

Les habitués de l’Odéon qui sont allés s’initier à la naïve poésie du mystère de la passion, que M. Antoine a monté l’hiver dernier, ont cru sans aucun doute assister à une reconstitution scrupuleusement exacte de l’art dramatique du moyen âge. Chacun sait en effet quel souci M. Antoine apporte dans l’expression de la vérité historique. On pouvait donc croire que le célèbre mystère de la passion, représenté en 1908 sur le second Théâtre-Français, évoquerait puissamment les Miracles médiévaux, notamment celui qui fut joué à Valenciennes en 1547 et dont un manuscrit de la Bibliothèque Nationale nous permet d’imaginer la mise en scène (fig. 30).

Mais, M. Antoine n’aurait jamais pu, quel que fût son zèle, nous en donner une reconstitution exacte : il lui aurait fallu faire figurer des femmes nues ou tout au moins en maillot sur notre scène odéonienne, au grand scandale des honnêtes bourgeois et pour la plus grande joie des étudiants qui auraient fort prisé ce mode d’enseignement dramatique.

Tous les auteurs, Paulin Pâris et Petit de Julleville en tête, sont d’accord pour confirmer le rôle important confié aux nudités dans les représentations des Mystères.

Voici ce que dit ce dernier : « … Aussi, pouvons-nous admettre que maintes fois des personnages entièrement nus aient été exhibés sur le théâtre. Cela choque tellement les idées de notre temps que des défenseurs, peut-être imprudents, du moyen âge ont taxé de mauvaise foi, d’ignorance et de sottise les historiens modernes qui ont rapporté ce fait. Cependant, des textes absolument formels commandent au moins l’hésitation, et nous avouons, pour nous, pouvoir douter que des acteurs réellement nus aient plus d’une