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l’antiquité

produite à leur entrée sensationnelle, la mort de plusieurs enfants et l’avortement de femmes enceintes ? Ces Furies étaient représentées par des femmes ou des hommes, montrant leurs seins naturels ou artificiels, comme les Errinnyes figurées sur certaines sépultures (fig. 19).

À côté de ce théâtre public, il y avait ce qu’on appela au dix-huitième siècle, le théâtre libertin. Dans les meilleures maisons d’Athènes, chaque festin se terminait par une représentation plus ou moins érotique. « À la fin du repas donné par Callios en l’honneur du jeune Autolycus, vainqueur au pancrace, un esclave annonce : « Citoyens, voici Ariadne qui entre dans la chambre nuptiale destinée à elle et à Bacchus. »
Fig. 19. — Fragment de bas-relief d’un sarcophage grec.
Et les acteurs chargés des rôles des époux prennent des poses amoureuses et passionnées ; loin de s’en tenir au badinage, ils unissent réellement leurs lèvres, ressemblant à des amants impatients de satisfaire un désir qui les pressait depuis si longtemps. Lorsque les convives les virent se tenir enlacés et marcher vers la couche nuptiale, ceux qui n’étaient point mariés firent serment de se marier, et ceux qui l’étaient, montèrent à cheval et volèrent vers leurs épouses afin d’être heureux à leur tour[1]. »

Qu’on aille après cela nier le but moralisateur du théâtre, même libertin !

Au reste, on ne s’étonnera pas de la licence extrême des Grecs, si on se rappelle l’importance sociale qu’ils donnaient à la femme et surtout à la courtisane, — le grave Socrate (fig. 26) ne prenait-il pas des leçons de danse de la voluptueuse Aspasie ? Ce qu’ils aimaient en elles, c’était tout autant que les qualités de l’esprit, la perfection de la forme, la manifestation vivante de la beauté, — non point seulement la beauté du visage régulier, aux traits droits et nobles, mais aussi de la beauté plastique. Sans nul doute, dans toutes les exhibitions publiques de nudités féminines, il se mêlait à un plaisir sensuel un réel souci d’art, surtout si l’exhibée avait la réputation d’une Laïs ou d’une Aspasie[2].

  1. Xénophon, le Banquet, ix, cité par B. de Villeneuve, op. cit.
  2. Une des plus célèbres exhibitions de la Grèce antique fut celle de trois femmes.