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Le goût qui ſe fait ſentir dans les productions des artiſtes Grecs leur a été particulier. Rarement a-t-il été tranſmis aux autres nations, ſans perdre quelque choſe de ſa première pureté ; & ſa douce lumière n’a pénétré que fort tard dans les régions ſeptentrionales, où elle étoit ſans doute encore inconnue, du tems que les deux arts, dont les Grecs ont été les grands maîtres, n’avoient qu’un petit nombre d’admirateurs ; dans le tems, dis-je, qu’on vit à Stockholm pluſieurs beaux tableaux du Corrège employés à fermer les croiſées des écuries du Roi.

L’on ne peut nier que le règne du grand Auguſte n'ait été l'heureuſe époque où les beaux arts furent introduits en Saxe, comme une colonie étrangère. C’eſt ſous ſon ſucceſſeur, le Titus du Nord, que ces arts ſe ſont fixés dans ce pays ; & c’eſt par leur ſecours que le bon goût y eſt devenu général.

Ces deux Princes ont acquis une gloire immortelle, en tirant de l’Italie les plus rares tréſors de l’art, & les plus beaux tableaux des autres pays, pour les faire ſervir de modèles du bon goût, en les expoſant aux yeux de leur peuple ; & l’amour dont ils étoient animés à cet égard ne leur a laiſſé aucun repos, qu’ils n’euſſent procuré aux artiſtes la ſatisfaction de poſſéder des chefs-d’œuvres des grands maîtres de la Grèce.

Les ſources les plus pures de l’art ſont ouvertes : heureux celui qui les connoît & qui ſait y puiſer !