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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

prêtres, s’étant aperçus que trop de prières étaient exaucées grâce au papier trop bien mâché et trop adroitement lancé, ont entouré ces démons de grillage à petits carreaux. Il faut, à présent, au lanceur beaucoup d’adresse pour atteindre le monstre ; et l’infortuné fidèle, qui manque son coup, n’a d’autre ressource que la prière au temple et l’offrande, va sans dire.

Au parc d’Asakusa, le porche du temple et les avenues qui y conduisent sont bordés de petites échoppes où tout se vend depuis une épingle jusqu’à la soierie, les étoffes, les poupées, en un mot, tout ce que le camelot de foire peut offrir à sa clientèle. Chacun fait l’article à qui mieux mieux. On y voit aussi des cirques, des acrobates, des musiciens ; des gramophones font entendre tous les clog dances et les fox-trots en vogue ; un véritable Coney Island. Les vendeurs du temple sont de toutes les époques et de tous les climats.

Je n’exagère pas en disant que, depuis cinq jours que le sanctuaire nouveau, Meiji, est ouvert, des millions de personnes y sont allées prier. Ces temples sont très fréquentés ; on y vient en pèlerinage de tous les coins du pays. Nous avons eu l’avantage de voir défiler tout le Japon à ce pèlerinage. Il nous fut difficile le premier jour de visiter le nouveau sanctuaire ; la foule était telle que la police et la cavalerie ont dû intervenir pour maintenir l’ordre. Des accidents se sont produits. Le soir, nous avons pu jouir de l’illumination de l’avenue du temple et de toute la ville. Jamais je n’ai vu pareille féérie.

Sur deux à trois millions de population, à Tokio, on ne compte pas trois cents étrangers. Malgré leur politesse native, et en dépit de l’ordonnance impériale qui le défend, les Nippons nous reluquent de côté, les petites filles surtout. J’ai appris hier par une dame américaine, qui habite la ville et connait bien les habitudes des femmes japonaises, que la manière infaillible de faire cesser leur examen est de fixer leurs pieds. Elles détournent la tête de suite. Ce qui les intrigue le plus, ce sont les hauts talons des chaussures des étrangères. Elles ne peuvent