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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

nous, n’est entré au port que deux heures plus tôt. Les bureaux de la quarantaine et de la douane ont dû faire son inspection d’abord. Premier arrivé : premier servi. Donc, il est dix heures et demie lorsque nous mettons pied à terre.

Nous nous installons, chacun dans notre jinricksha, et à la queue leu-leu, nous trottons à travers la ville. J’allais crier : « Fouette cocher », mais je dois vous faire remarquer que mon cheval est un homme. Un brave cheval, sans doute, mais un homme, après tout, créé à mon image et à ma ressemblance. Je vous avoue que j’ai été pris de pitié et même de honte de faire traîner mes deux cents livres avoir-du-poids par un petit bonhomme pas plus haut que ça. Je voulais descendre, prendre sous chaque bras l’homme et la voiture, et les emporter tous deux à l’hôtel. Mais, que voulez-vous ? mon sentiment ne peut réformer l’Orient. Comme mon cheval à deux pattes ne se trouve pas malheureux, pourquoi le serais-je pour lui ? La petite voiture est un diminutif de notre calèche de Québec ; quant au cheval, je me rappelle la chanson :


« Vous avez de beaux carrosses,
« Ne vous estimez pas tant,
« Souvent on n’y voit que des rosses,
« Au dehors comme au dedans… »


et j’en prends mon parti.

Nous arrivons au Grand Hôtel, après une course d’un petit quart d’heure. Joli, pas tout à fait oriental ; c’est plutôt européen. Personnel japonais, poli, gentil ; chambre spacieuse aux grandes fenêtres donnant sur le port. Je revois notre navire, une frégate battant le tricolore, plusieurs croiseurs japonais, une multitude d’autres bateaux, de petites embarcations de pêche, et, dominant les flots, jadis séjours de paix, des fortifications menaçantes.

Un brise-lames de plusieurs arpents protège le havre contre la fureur des vagues soulevées par les grands vents. C’est le grand port du Japon. Un peu au sud, la baie de