Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au pied de la Côte 108, sur une planchette clouée à deux poteaux, je lis avec émotion :


« Que votre visite, soit pour les héros
qui tombèrent en ces lieux,
un hommage respectueux rendu à leur mémoire. »


Je me découvre, je pleure, et je prie ; cependant qu’au fort de Brimont, du côté de Château-Thierry, en arrière de Craonne, en deçà et au delà de la ligne d’Hindenbourg, une canonnade assourdissante ébranle l’atmosphère ; comme au temps de l’action, des explosions de volcan vomissent le feu et la fumée noire. Ce sont des amas d’obus qui n’ont pas éclaté, que l’on recueille un peu partout dans les champs et que l’on fait exploser, pour les réduire au silence définitif et les rendre à jamais inoffensifs.

Voici, dans les souterrains, à côté de la route, les cuisines, la boutique du coiffeur, le bureau du téléphone, l’hôpital avec ses lits de fil de fer ; voici une batterie de canons que l’on a démontée, avant que les boches en fassent la capture. Les camouflages de treillis les recouvrent encore et les cachent à demi.

Notre dernière station de cette Voie Douloureuse est la cathédrale de Reims que l’on restaure. Dans l’angle de gauche, près du transept, à côté du chœur, une chapelle provisoire a été aménagée, en attendant que la nef soit réparée. La ville se relève lentement de ses ruines. Près du palais de justice se dresse le vieil arc de triomphe romain. Il a plus souffert durant ces quatre années de siège que durant les vingt siècles qui les ont précédées.

À cinq heures, nous reprenons le train pour Paris. Non, je ne veux plus aller sur les champs de bataille ; c’est trop triste ! Cela fait trop souffrir ! Le cœur se brise ; l’âme s’affaisse ; l’esprit s’égare devant cette inconcevable catastrophe, devant cette tragique aberration de l’humanité ! Quos vult Jupiter perdere, dementat prius.

Une heureuse traversée du Havre à New-York, à bord de ce palais flottant qu’est le vapeur France de la Ligne