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où les faits prenaient des proportions gigantesques, que l’imagination aime à grandir encore et grandira toujours, de génération en génération, en vertu des lois de la projection et de la distance. Nous sortons par la porte Sainte-Catherine, aux deux tours massives, et regagnons notre bateau qui se dirige maintenant sur Smyrne.

25 mai — Arrivée à 1 heure p.m., à Smyrne, la patrie d’Homère ? « Sept villes se disputaient l’honneur de lui avoir donné naissance ». Les titres de Smyrne semblent les plus solides cependant. Trois navires de guerre, armés par les Grecs, stationnent à l’entrée du port. Le King George, puissant dreadnought anglais, arrive quelques instants après. Smyrne s’épanouit en éventail, de la mer au sommet du mont Pagus couronné des ruines d’un château fort. Au centre du panorama, un bosquet d’ifs très hauts, très droits et très verts, ombrage un immense cimetière musulman, donne du relief au tableau et de la vie au paysage. Population : près de trois cent mille. Smyrne est le poste de ravitaillement de l’armée grecque. Le commandant Raguzin du Campidoglio me signale un déchargement de restes de viande en conserves de l’armée anglaise. Il y a déjà plus de trois ans que ces provisions attendent les consommateurs ; elles doivent être suffisamment faisandées ! Pauvres soldats ! Ces boîtes contiennent trois cent mille rations. Comme l’armée grecque compte cent cinquante mille hommes, ces dix mille caisses de provisions ne dureront que deux jours. Le contenu d’un navire de dix mille tonneaux est à peine le déjeûner d’une petite armée. Ce que coûte la guerre !!…

26 mai — Promenade dans la ville, à la rue Franque, au quartier des bazars, à l’église grecque de Sainte-Épithonie, à l’église des Franciscaines, au pont des Caravanes, au Pagus. C’est la Fête-Dieu, les cloches sonnent à toute volée ; c’est aussi une fête nationale quelconque. Les drapeaux battent aux hampes et les navires sont gaiement pavoisés ; à midi : canonnade des navires de guerre pour le salut royal. À la poste grecque où nous voulons expédier notre courrier, on refuse l’argent français ;