l’île Minikoi dont nous voyons le phare et la côte ombragée de palmiers. C’est la dernière terre que nous apercevons dans la mer d’Arabie, jusqu’à ce que nous atteignions l’île de Sokotrat du côté ouest. La mer est magnifique. Il fait bon, doux, un peu chaud sur le midi, mais la nuit est assez fraîche ; la lune nouvelle illumine les flots de reflets d’argent ; le ciel est d’un brillant dont on n’a pas idée. Je suis enfin d’accord avec les poètes qui ont chanté les nuits d’Orient. Je partage leur enthousiasme ; pour une fois, ces rêveurs ont raison.
15 avril — Le navire file en moyenne deux cent quatre-vingts milles par jour, environ onze nœuds à l’heure. Pour l’économie du charbon, tous les navires de l’Orient ont adopté cette vitesse. Il ne faut donc pas se plaindre. Bien heureux encore d’avoir quelques bateaux, après la destruction considérable qu’en ont faite les Boches. Le Cordillère est un ancien navire, construit à La Ciotat, près Marseille, en 1888 ; il jauge onze mille tonneaux. Le service est excellent et la cuisine française ; c’est tout dire. La table compense pour le reste qui laisse un peu à désirer, surtout pour ceux qui sont habitués au luxe des bateaux de l’Atlantique. En Orient, il ne faut pas être trop exigeant, toujours, mais surtout par le temps qui court.
16 avril — Nous montons un peu vers le nord. La course presque directe sur l’ouest fait reculer les montres de vingt et quelques minutes chaque jour. Déjeuner de 6 à 9 heures a.m., lunch à 11 heures 30 a.m., diner à 7 heures p.m. Le petit déjeuner est intéressant. Chacun se présente sans cérémonie, les hommes en pyjama ; les femmes en robe de chambre, le chignon tortillé, ébouriffé ou enroulé dans un voile : joli négligé qui laisse voir ou deviner des beautés et des horreurs selon que… Jusqu’à 10 heures a.m., la procession des pyjamas, des kimonos, des pantoufles et des chignons effarouchés bat son plein. Au lunch et au diner, l’ordre se rétablit et l’étiquette reprend son empire. Nous croisons dans l’après-midi, le