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moissonneurs. Partout des gerbes ; partout des bœufs aux pieds ferrés piétinent sur l’aire ; partout les fléaux, aux longs battants et aux manches courts, battent au vent et s’abattent drus sur les gerbes étalées. De belles pépinières forment des carrés qui tranchent sur le tapis vert des champs de graminées. Nous entrons dans la région des pluies fréquentes. Quelle transformation depuis hier, alors que tout était sec et brûlé !

Hier, nous avons passé la journée à Madras. Nous redoutions cette ville réputée insupportable à cause de la chaleur. Il y a, dit-on, trois saisons à Madras : la chaude, la plus chaude et la très chaude. C’est une calomnie, du moins envers l’agréable journée que nous y avons passée.

Notre première visite fut à l’église de San-Thomé (saint Thomas). Quel saint Thomas ? Personne ne peut me renseigner. Dans la nef de cette belle église, dont la vétusté indique la construction à une époque assez reculée, deux indigènes sont de service. Ils m’indiquent, dans le parquet en mosaïque de la grande allée, un escalier qui conduit à une excavation sous un autel en marbre. L’ouverture est de la dimension d’un cercueil, et je n’y vois goutte tant il fait sombre. Par signes, je réussis à faire comprendre à ces deux bonshommes que je veux voir ce qu’il y a au fond de ce tombeau. On apporte de la bougie et je ne vois que de la terre dont on m’offre une poignée avec force révérences. C’est le tombeau de saint Thomas, — san-Thomé pour les Cingalais. Soudain, je m’entends interpeller à mi-voix dans l’église. C’est ma femme qui m’appelle : « Viens ici ; ma sœur est de Montréal ». Je remonte vivement l’escalier et une religieuse franciscaine, vêtue de blanc, m’adresse la parole avec l’accent de chez nous. Nous sommes les premiers montréalais qu’elle revoit depuis son arrivée à Madras, il y a dix-sept ans. Elle nous prie de donner de ses nouvelles à sa famille, à notre retour. Nous le lui promettons de grand cœur. Elle nous fait voir les reliques de saint Thomas et nous explique que