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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

déchire les flancs ou n’en crève les cimes. Entre cette chaîne et les Sierras Nevadas (monts neigeux) qui apparaissent à plusieurs milles à l’intérieur, mais suivent toujours la même direction nord-sud, se déroule une autre vallée que sillonne aussi le chemin de fer ; cette route est cependant moins attrayante. Au-delà des Sierras Nevadas le désert renaît, avec toute son aridité, jusqu’à l’Orégon et au-delà. C’est la saison d’hiver en cette heureuse vallée ; tout y est jaune comme à l’automne chez nous ; cependant, lorsqu’on voit les vergers, les légumes, les palmiers, les orangers, les citronniers, les pruniers, les abricotiers, les dattiers, les vignobles, les immenses feuilles des bananiers, les panaches blancs des pampas, frisés comme des plumes d’autruche, se balançant au vent — car il vente toujours ici, — il est facile à l’imagination de reverdir le gazon et les prés, de jaunir les moissons, de teindre les coteaux et refléter la délicieuse image de ce coin de paradis, aux époques de floréal, de prairial et de messidor. Toutes les stations hibernales de la Californie sont charmantes, mais je donne la palme (elle est bien facile à cueillir en ce pays des palmiers) à Santa-Barbara qui se baigne coquettement dans la mer. C’est un coin de la Riviera.

La plupart des noms de cette région sont espagnols : Santa-Barbara, Santa-Lena, Obispo, El Paso, Salinas, San-Miguel, Gatos, San-Pedro, San-Jose, Santa-Clara, Polo Alto, Del Monte. On voit, à différents endroits, les ruines des premiers établissements hispaniques, des monastères dont les murs en terre crue, adobe (prononcez adobi), ont résisté, depuis près de trois siècles, aux morsures du temps, mais les intempéries sont ici plus clémentes que chez nous ; voilà pourquoi les constructions les plus frêles résistent si longtemps.

Les rivières sont maintenant desséchées. Ce phénomène désole. Y a-t-il quelque chose de plus triste qu’une rivière sans eau ? Oui, répondraient plusieurs que je connais bien… un verreet rien dedans !…