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jetés des ghats, à demi-calcinés, où surnagent, gonflés par la décomposition, les carcasses de vaches, de chiens, de chats, de chevaux, que les vautours et les corbeaux dévorent en se dévorant entre eux. Nous naviguons à travers ces puantes horreurs.

Le guide nous signale quatre lépreux, deux femmes et deux hommes, dont la peau est couverte de plaies hideuses. Ces malheureux se baignent au milieu de groupes qui n’en font aucun cas. La loi ne force pas ces malades à la réclusion. Ce serait s’attaquer aux sentiments religieux que de vouloir les enfermer dans des lazarets. Mark Twain avait peut-être raison de dire que l’eau du Gange ne comportait aucun danger d’infection, parce que no decent microbe would live in it.

Au moment où nous passons en face des ghats, des cadavres brûlent et empestent l’air d’une senteur âcre de chair qui roussit. Ces temples, ces mosquées, ces châteaux, élevés par les puissants maharajahs et par les riches particuliers, bordent la rive du fleuve, sans solution de continuité, sur une longueur de plus de deux milles. Les deux minarets de la mosquée d’Aurangzeb dominent les tours et les coupoles de leurs aiguilles de plus de deux cents pieds. C’est une des vues les plus grandioses qui puisse être. Au plafond du portique sept essaims d’abeilles font leurs gâteaux de miel ; aucune ruche ne les recouvre ; ils sont collés à la voûte. À côté, le Temple de Népaul étale ses sculptures obscènes.

Dans l’après-midi, nous traversons le pont flottant qui relie les deux rives du Gange et nous allons visiter le palais du maharajah de Bénarès, sir Prabhu Narayan Singh, G.C.I.E. Nous sommes reçus par ses gardes et introduits dans les salles du durbar, de réception, et autres petits appartements d’un goût douteux. L’ensemble du palais, d’architecture mauresque, est imposant. À la porte du palais, une voiture, attelée de deux superbes chevaux et escortée de plusieurs valets de pied, attend Son Altesse qui doit se rendre au temple dans son immense jardin où il va chaque soir, au coucher du soleil, faire sa