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qui sortaient du bûcher. Quelques instant après, ils roulèrent le tronc et les bûches calcinées dans la rivière. L’un d’eux jeta quelques feuilles vertes sur ce macabre rôti qui flottait à la dérive ; c’était le suprême adieu d’un fils à son père ! Bénarès, avec une population d’un quart de million, fournit aux ghats de vingt à trente cadavres par jour, sans compter ceux qui sont apportés du dehors, de très loin. Ce chiffre s’accroît au temps des épidémies. Lorsque le nombre des morts est trop considérable, on ne brûle plus, on jette à la rivière tout simplement. Ce mode de sépulture est particulier aux Hindous : il existe dans l’Inde entière.

11 mars — Lever à six heures du matin, pour une promenade en chaloupe sur le Gange. À cette heure matinale, les personnes de qualité descendent prendre leur bain et faire leur prière. Les mains jointes, elles offrent l’eau du fleuve saint au soleil levant. C’est l’époque de la lune nouvelle de mars ; ce jour est particulièrement réservé aux habitants de Bénarès. Aussi en profitent-ils pour faire le grand pèlerinage qui consiste à se plonger d’abord dans une grande citerne que le Gange remplit une fois l’an, à l’époque de la mousson, alors que ses eaux s’élèvent jusqu’à quarante pieds au-dessus de leur niveau moyen. Ils parcourent ensuite les quarante-cinq milles de la route sacrée autour de la ville pour revenir à la citerne, point du départ. Des milliers de pèlerins défilent devant nous dans les costumes les plus originaux. Ils portent sur la tête leurs provisions pour ce pèlerinage de six jours que tout bon Hindou doit faire, au moins une fois dans sa vie. Le long du parcours ils s’arrêtent à plusieurs sanctuaires et couchent dans des bungalows ou à la belle étoile, dans la boue ou la poussière, selon la saison ; se joignent à eux d’autres pèlerins de toutes les parties de l’Hindoustan. On reconnaît, à leur costume particulier, ceux de Madras, du Népaul, etc, etc. Tous se plongent, s’ablutionnent dans la rivière où se déversent les égouts de la ville, où le linge sale de la population est lavé, où flottent les cadavres