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laisse « orgueilleusement » visiter pour épater les gens. Il faut voir l’ameublement, les tapis, les argenteries, la vaisselle ! It is the best that art can devise and money can buy ! Qu’importe, çà vaut toujours mieux que les sales taudis dans lesquels vivent ou plutôt existent un si grand nombre de ses compatriotes.

De là, nous nous transportons à la pagode de Shwe-Dagon, la plus grande, la plus haute, la plus extravagante pagode de l’univers. Sise dans la banlieue, sur une élévation que nous escaladons en enjambant rampes et paliers ; elle s’élève à trois cent soixante-seize pieds dans les airs. Sa forme est celle d’un entonnoir renversé ; autour, des Bouddhas en marbre, en ivoire, en or, en bronze, en argent, en ciment, décorés de pierres précieuses et de verroteries étincelantes, trônent, jambes croisées, dans les niches des pagodes. Il y en a cinq mille, disent les cicérones. Je ne les ai pas comptés, mais ce chiffre ne me semble pas exagéré.

La suprême ambition de tout Birman à l’aise est d’élever une pagode autour de la Shwe-Dagon ; le rêve du plus grand, comme du plus humble, est de venir y prier. C’est un défilé sans interruption, de jour et de nuit. On y vient de très loin ; on y loge ; on y couche ; on y mange ; on s’y repose des fatigues du lointain pèlerinage. Des échoppes, des boutiques de tous genres sont installées sur le parvis, dans les absides, les ailes, les portiques. J’y ai remarqué jusqu’à des machines à coudre Singer que manient des couturiers. Des pigeons, des corbeaux, des poules, des coqs qui s’engendrent querelle ; des chats efflanqués, des chiens faméliques et galeux, des femmes accroupies ; des enfants se roulent nus sur les dalles, jouent à la balle, au volant, crient, braillent à qui mieux mieux. Les oiseaux, les chats et les chiens, sans gêne aucune, envahissent les autels et dévorent les offrandes de riz, de pain, de biscuits et autres victuailles offertes à la divinité ; personne ne les moleste. Dès l’instant où les bêtes entrent dans l’enceinte du temple, elles deviennent sacrées : le droit d’asile divin ! Les autels sont chargés