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ASIE — CHINE — TIEN-TSIN — PÉKIN

tartare et de la ville chinoise, puis nous sortons de la cité par une porte de côté est. Quelques minutes encore, nous saluons du convoi le vieux mur, ses bastions, ses portes, ses créneaux et ses tours, les palais, les châteaux, les temples, les pagodes, les mausolées. Adieu, cité charmante, heureux séjour que je ne reverrai probablement jamais ! Je m’étais fait une idée toute différente de ta vie ou plutôt je n’en avais aucune idée précise, définie. Je confesse mon ignorance. Qui connait Pékin chez nous ? Mieux informé aujourd’hui, je constate qu’une station prolongée serait nécessaire au voyageur pour se familiariser un peu avec cette agglomération colossale, et qu’il faudrait des mois pour étudier son caractère, ses mœurs, sa vie.

Notre train file sur Tien-Tsin où la ligne bifurque ; il continue sur Mukden. Nous sautons dans l’express de Nanking-Shanghai, vers midi. Le wagon-restaurant est décoré de tous les drapeaux à l’occasion des fêtes de Noël et du nouvel an ; j’y remarque celui du Canada.

Nous traversons la région de la famine qui sévit actuellement et dont les journaux doivent vous entretenir ; c’est désolant. Il ne reste pas une racine, pas un brin d’herbe dans les champs. Aux gares, les affamés demandent à grands cris du pain et des sous ; nous vidons nos poches ; les petites douceurs de nos sacoches sont vite distribuées. Nous voulons acheter les provisions du train, mais elles sont à peu près épuisées, et il faut bien garder le nécessaire pour le repas du soir.

La partie révoltante de ce triste état de choses est la spéculation qui s’exerce sur cette misère. Nous voyons à côté des meurt-de-faim, aux gares, des Shylocks qui tiennent comptoir et nous invitent à échanger à taux usuraire notre argent en sous, pour les distribuer aux affamés, afin qu’ils puissent se procurer à prix excessifs des fruits et des victuailles que le trafiquant véreux exhibe à profusion. À la vue de ce spectacle révoltant, notre pitié cessa.

Les Chinois à l’aise doivent se réveiller, avoir un peu d’amour-propre, de charité, enfin prendre un peu soin de