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ASIE — JAPON — NAGOYA — SHIMONOSEKI

commode. Ils s’appliquent tous à parler l’anglais ; s’ils ont la bonne fortune de croiser sur leur chemin un eigin san (un honorable étranger), ils se permettent souvent de l’aborder et de lui poser, comme à moi, ce matin, la question classique, évidemment prise dans un lexique : « What is your country ? » Je répondis avec bonne grâce, à mon gentil interlocuteur : « My country is Canada » ; il me remercia d’un grand salut. Comme il en restait là, mais semblait vouloir causer davantage, je lui posai la même question. Il me répondit bravement : « Japan. » « Where is Canada ? » continuai-je ? « In North America ». Je voulus poursuivre plus loin l’entretien, en lui faisant plusieurs questions très simples et bien articulées, mais il resta muet ; son répertoire était épuisé. Tout de même, il avait mis à profit son petit capital de langue étrangère. Demain, il rencontrera un autre eigin san et lui posera une autre question. La réponse sera fidèlement consignée dans un calepin que tout écolier porte invariablement dans son veston et dans lequel il enregistre soigneusement tout ce qui le frappe. Mon guide, l’autre jour, se permit de lire par-dessus l’épaule d’un gamin qui écrivait, son cahier appuyé sur une des énormes racines d’un cryptomeria du parc sacré. L’écolier enregistrait « qu’il venait de rencontrer deux honorables étrangers démesurément longs ».

Le saké, la bière, le cognac, le scotch, le genièvre se débitent dans tous les hôtels et les épiceries. L’idée de la tempérance fait cependant son chemin et la prohibition, soigneusement emballée dans l’étroite sacoche du puritain missionnaire de l’Oncle Sam, montre déjà sa tête hypocrite. Le parlement, la Diète Impériale, pour l’appeler par son nom, la mettra en pratique officieusement à sa prochaine session à Tokio, le 25 décembre prochain, en attendant qu’elle soit portée à l’officiel ; alors, le Japon aura atteint le suprême de la vertu.

La raison de cette mesure est la même ici que chez nous et ailleurs : l’abus par quelques-uns, la privation pour le reste de l’humanité. A la dernière session, quelques