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ASIE — JAPON — NAGOYA — SHIMONOSEKI

quatre câbles. C’est un joli exercice que de faire mouvoir ce plançon. Chacun se constitue sonneur, à loisir, le jour, la nuit surtout au clair de la lune ; chaque instant du jour et du soir fait naître des Quasimodos dont les contorsions fantastiques feraient pâlir le sonneur de Notre-Dame immortalisé par Victor Hugo.

À côté du solennel : le tendre, le rêve, la douce romance de l’amour, figurés par un arbre à six essences différentes confondues dans le même tronc et vivant de la même sève. C’est l’emblème de l’union et de l’attachement, c’est l’arbre favori des amours soupirantes. Que de vœux, de prières dans ces billets roulés sur ses branches, collés à son tronc, à ses racines, les uns écrits au long, les autres en hiéroglyphes mystérieux : langage mystique des cœurs que l’amour étreint et embrase !

Notre curiosité nous porta à l’indiscrétion sacrilège ; nous déroulâmes une prière soigneusement enroulée au rameau : le papier était immaculé ! Ô mystère de l’amour caché aux profanes regards ! Nous nous sommes rappelé la chanson de Fortunio :


« Si vous croyez que je vais dire
Qui j’ose aimer… »


Dans le coin sud-ouest, s’élève un temple de modeste proportion, dédié à Saruta-Hiko, le dieu de la propriété du sol ; il mérite une note particulière. La mythologie nous enseigne que ce Saruta-Hiko, habile en la science de l’interprétation des contrats, passa bail avec le dieu de Kashima pour trois pieds de terrain. Le contrat signé en bonne et due forme, notre locataire ou acquéreur mesura et clôtura dans la nuit un domaine considérable, prétendant que les mots « trois pieds » devaient s’interpréter dans le sens de la profondeur du sol, non en superficie, au grand ébahissement du dieu de Kashima. Mais il faut rendre au rusé Saruta le témoignage de sa fidélité à l’exécution scrupuleuse du contrat, selon l’interprétation qu’il lui donnait, car jamais arbres ni plantes cultivés sur ce lopin, ne poussèrent de racines plus avant qu’à « trois