Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
VOYAGE AUTOUR DU MONDE

les piscines, les lanternes : témoins séculaires d’anciennes splendeurs.

Le gouvernement, la dévotion populaire, les dons généreux des riches et des puissants, ne peuvent suffire à l’entretien de tous ces monuments de bois dont quelques-uns croulent de vétusté. Malgré la laque et la peinture, le temps, les intempéries et surtout la chaleur humide particulière au pays en ont bien vite raison ; et si l’on veut conserver, il faut sans cesse réparer, refaire. Voilà la raison de la splendeur éclatante des monuments nouvellement retouchés et la triste apparence de ceux dont la toilette a été négligée. Quant au genre, il est presque partout le même ; l’architecture, la disposition, la symétrie, la ligne, les proportions sont, à peu de différence près, partout identiques ; la couleur, la décoration, les dieux, les monstres, les ex-voto seuls varient et nous permettent de différencier les uns des autres.

Nara, comme les autres capitales disparues, a sa large part de temples ; l’un d’eux renferme le colossal Daibutsu dans le monastère de Todai-ji. C’est le plus gros, le plus lourd et le plus laid des Bouddhas ; il est assis comme son sosie de Kamakura. Ce monstre a cinquante-trois pieds de hauteur ; la face s’allonge de seize pieds et s’épate de neuf pieds. C’est un nègre lippu du plus beau noir d’ébène. Une immense auréole dorée, parsemée de dix-huit copies de son image moins horrible que l’original, couronne son chef ; deux statues de déesses plus gracieuses et étincelantes d’or et de pierreries lui tiennent compagnie.

Le temple mesure deux cent cinquante pieds de côté, par cent cinquante-six pieds de hauteur ; la statue date de 749 A.D. La tête, qui a fondu dans un incendie, a été remplacée au Xième siècle par l’horreur que l’on adore depuis. Dans le parc, la plus grosse cloche du Japon : treize pieds et demi de hauteur, neuf pieds et demi de diamètre et huit pouces et demi d’épaisseur, est boulonnée à une énorme poutre de camphrier sous une élégante pagode. Elle résonne sourdement, mais faiblement pour sa masse, sous les coups d’un bélier suspendu par