Page:Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
ASIE — JAPON — NIKKO — LE FUDJIYAMA

car ce mont orgueilleux contemple ce peuple et ce peuple le contemple depuis bien des siècles aussi, mais avec combien plus d’amour et de majesté ! Il est dix heures lorsque nous mettons le pied sur le quai de la gare, au centre d’une petite ville bien caractéristique, la coquette Gotemba. Nous sommes en avance ; nous faisons les cent pas. Trois locomotives dodécapodes, à double mécanisme, passent avant nous ; elles ne halent qu’une trentaine de petits wagons ; ce train vient des montagnes. Nous lisons sur les tiroirs à distribution des locomotives, le nom de Schenectady, ville des États-Unis, des usines de laquelle sont sorties ces lourdes machines. L’industrie nationale ne répond donc pas encore à tous les besoins du pays ? Le système des chemins de fer nippons est calqué sur celui des îles Britanniques, mais à voie de moindre largeur. Un cri strident d’une machine émergeant du flanc de la montagne nous avertit que le train qui doit nous conduire à Nagoya entre en gare. Nous nous installons sur les banquettes en velours, rangées dans le sens de la longueur, dans un wagon observatoire. Notre bagage à main entre par les fenêtres et sortira par la même voie. Je remarque que l’équipage du train est ganté de blanc, s’il vous plaît.

Le train file ; c’est un rapide. Le premier arrêt dans quatre heures. Les passagers, japonais et japonaises, enlèvent leurs getas, s’installent en boule sur les banquettes, en face du numéro qui correspond à celui de leurs billets et, le dos tourné au passage central, regardent par la fenêtre le panorama qui se déroule. D’un côté, les montagnes (au Japon, on voit toujours les montagnes), de l’autre, le rivage de la mer, barques de pêcheurs au large ou halées sur la côte ; pêcheurs de crevettes et râtisseurs d’huîtres dans les huîtrières en culture ; entre les montagnes et la mer, des moissonneurs, des jardiniers qui brisent le sol avec la houe ou la herse à main : instrument en bois, quart de roue dont la jante est hérissée de sept à huit dents de bois. L’opérateur donne à cet appareil le mouvement d’un balancier d’horloge ; les dents mordent, et la terre, levée en galette par la houe, s’effrite. De la fumure répandue à