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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Afin de mettre un terme à cette invasion d’êtres nuisibles, je formai le club de chasse et de pêche Chibougamau. Le ministère des Terres et Forêts du Québec, m’accorda promptement un bail « de surface », valable pour dix années, pour le terrain avoisinant les rapides, et nous érigeâmes des cabanes de bois rond, spacieuses et confortables, pour nos hôtes futurs. Ils peuvent venir s’ils le désirent, ces parasites, mais, non d’un petit bonhomme, ils paieront leurs dépenses de bonne grâce ou non.

Vers la fin d’août, un métis du nom de Charles Cleary vint travailler à Rainbow Lodge. En moins d’une semaine nous avions coupé cent grands sapins, construit des piliers et installé un débarcadère à la baie Hello. Alors Charley me confia qu’il s’ennuyait et voudrait bien avoir sa famille avec lui. Je lui dis que je n’avais de disponible que deux petites tentes de 8 pieds par 10. « Il ne m’en faudra qu’une, dit Charley ; nous sommes habitués à vivre sous la toile. » La famille arriva en force le lendemain soir : sa femme et six enfants, dont un bébé qui ne marchait pas encore ! Ils s’empilèrent sous ce frêle abri, riant, se bousculant, n’ayant pas un seul souci au monde. Ils ne souffriront jamais d’ulcères d’estomac, ceux-là ! et j’enviais leur insouciance du lendemain — cet horrible lendemain qui n’arrive jamais.

Le lendemain matin (celui-là était arrivé) Charley me demanda l’autre tente. « J’ai eu tort, me dit-il ; ma femme et moi n’avons pas dormi de la nuit, avec toute la famille qui nous sautait dessus. Deux adultes et six enfants, c’est un vrai déluge ! »

Ces nomades restèrent deux mois avec nous, puis déménagèrent dans une vieille cabane à la pointe du Camp indien, dans la baie des Cèdres. Au beau milieu de l’hiver, la cabane prit feu et fut réduite en cendres, les Cleary se sauvèrent de justesse, avec seulement quelques hardes à moitié brûlées.