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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

« Êtes-vous un géologue ? » « Non, répliqua Davies ; je suis un diplômé en génie minier de l’Université McGill ; en d’autres termes, je suis un prospecteur instruit.

Une cinquantaine de connaissances m’avaient écrit, dans l’espoir d’être reçues à Rainbow Lodge. Pour m’en débarrasser d’un seul coup, j’organisai un pique-nique et lançai une invitation générale. Il vint des gens (c’était par un chaud dimanche d’août) à la douzaine, des camps lointains de la brousse, des bases d’aviation, des équipes de foreurs, des centres de constructions routières, des villages du lac Saint-Jean. Tout le monde transpira et s’amusa ferme, négligeant de manger, mais ingurgitant des océans de bière. L’ordinaire bagarre eut lieu, comme il fallait s’y attendre, mais personne ne fut gravement blessé et tous les invités revinrent à peu près intacts chez eux.

Je me souviens, à ce pique-nique, d’une très jolie québécoise. Elle promenait son éclatante personnalité parmi les rudes mineurs avec l’élégance d’une aristocrate. Elle me fit songer à cette extraordinaire créature que Joseph Conrad a placée aux côtés de Kurtz dans « Au cœur des ténèbres ». Je ne puis me rappeler son nom, car lorsque je doublai le cap de la bedonnante cinquantaine, je jetai au panier mon « livre d’adresses ».

Vers la fin de l’été sportmen et pêcheurs affluèrent, car la rumeur s’était répandue que les vastes domaines vierges du Chibougamau étaient ouverts au public, depuis que la route, partant de Saint-Félicien, était terminée. Des centaines de lacs, dans la région, n’avaient jamais connu le lancer de la mouche artificielle ; de grandes zones forestières n’avaient jamais entendu le cri plaintif du cornet de bouleau imitant l’appel de la femelle de l’orignal.

La truite mouchetée abonde dans les nombreux tributaires du lac Chibougamau. Herb McKenzie, pionnier parmi les prospecteurs, m’a dit qu’autour de la frayère de