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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

suite. Durant son absence, un groupe de ses clients, se sentant le gosier sec, pénétrèrent dans son antre par une fenêtre. Ils découvrirent une cachette pleine de nectar enivrant et restèrent plusieurs jours à boire à la santé du bootlegger. À cette phase de l’histoire, ce bootlegger-là disparut du tableau et un autre apparut, et le nectar continua de couler à flots.

Naturellement, il arrivait que de temps à autre, les bootleggers de Chibougamau fussent arrêtés par la police provinciale. Cette dernière, selon la louable habitude, expédiait tout d’abord sur les lieux l’un de ces sympathiques personnages connus diversement sous les noms de « canard privé », « mouchard » ou « stool pigeon », lequel commençait par obtenir des preuves liquides, après quoi survenait la descente policière. Tous les alcools trouvés sur la place étaient confisqués et, en compagnie du dispensateur de paradis artificiels, expédiés à Roberval, où une amende lui était imposée. Le lendemain, le marchand de liqueurs illicites était de retour… ainsi que sa clientèle.

L’une des boissons que le bootlegger de Chibougamau vendait s’appelait « Tomalky » ; c’était un vil mélange d’alcool frelaté et de jus de tomates. Il était garanti, selon les mineurs, « pour percer un trou dans une poutre d’acier ». On vit un foreur avaler trois verres de « Tomalky, puis asséner un coup de poing sur le nez de la femme (ou concubine) du bootlegger. L’époux (ou maquereau) de la dame riposta par un coup de colombage sur le crâne du client, qui alors s’endormit, durant trois quarts-d’heure, d’un sommeil profond. Sur ce, un bûcheron eut une brillante idée : « Si quelqu’un bâtit une taverne à Chibougamau, disait-il, il devrait garnir de caoutchouc spongieux les murs et le plancher. Comme ça, les gars ne se feraient pas mal en tombant. » Son copain renchérit : « Il faudrait placer du caoutchouc au plafond itou, parce qu’hier soir,