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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

tête des rapides où les quatre-vingt-dix milles carrés d’eau du lac Chibougamau se déversent dans le lac aux Dorés.

Derrière la pointe nord-est de la péninsule Gouin, nous trouvons une autre baie très sûre, pouvant servir de mouillage à une flotte dix fois plus importante que la nôtre. Sept ou huit cents pieds au-delà, nous apercevons les rapides baignant la rive où j’avais jalonné mes claims, l’automne précédent.

Le bruit des moteurs cesse et le silence des grandes solitudes nous enveloppe à peine troublé par le murmure éloigné des rapides. Pas l’écho d’un pas, d’un chant ou d’un cri, pas un froissement de feuille. Nous regardons la forêt, dense, verte et mystérieuse ; on eût dit qu’à leur tour, les arbres, immobiles et silencieux nous observaient.

Et les mots éloquents de Charles Dickens, dans « Oliver Twist », me revinrent en mémoire : « Les grands arbres étaient revenus à la vie et à la santé ; étendant leurs bras au-dessus du sol assoiffé, ils transformaient les endroits trop découverts en coins ombreux, d’où l’on pouvait contempler le paysage baigné de soleil… La terre avait mis son plus beau manteau d’émeraude et répandu son parfum le plus odorant. L’année était dans sa jeunesse et sa vigueur ; toutes choses étaient joyeuses et florissantes. »

Y avait-il une présence humaine autre que la nôtre en ces lointains parages ? Peut-être un prospecteur y campe-t-il sur le portage ? Je crie : « Hello ». Et nous convînmes qu’un nom seyant pour cette baie serait : « Hello Bay ». Et ainsi fut-elle nommée.

Transbordant notre matériel de campement dans un canot, nous abordons la tête des rapides. La forêt nous accueille, tandis que mes hommes éclaircissent à la hache un emplacement pour les tentes, je marche jusqu’au bord de l’eau et regarde longtemps, très longtemps, les flots glissants des cascades.