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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

Le camp constituait un village complet, se suffisant à lui-même. Il tirait la force et la lumière de ses moteurs diesel. Un entrepôt était rempli de pièces de rechange, jusqu’à ses poutres ; un autre recelait des conserves, des lits, des couvertures, des ustensiles de cuisine, des fourneaux de campement. Un intendant fournissait les cigarettes, les bonbons et tout ce qu’il fallait pour écrire. Des cabanes de bois rond et des tentes confortables abritaient des centaines d’ouvriers. Durant l’hiver, on chauffait ces maisons et ces tentes au moyen de poêles cylindriques dans lesquels s’enfournaient des bûches de bouleau de trois pieds.

La chaleur était si intense, qu’on devait parfois tenir les fenêtres ouvertes même par les grands froids. Les directeurs de la compagnie habitaient des villas au bord du lac ; ils les chauffaient au moyen de fournaises à l’huile, efficaces mais malodorantes.

L’homme responsable de toute cette activité était « Bill » Smith, un ingénieur montréalais qui s’occupait depuis sa jeunesse de construction routière. Bill, âgé d’à peine trente ans, est d’aspect délicat et parle d’une voix douce. Ce n’est pas ainsi qu’Hollywood se représente un chef de camp dans la brousse ! Il avait l’air d’un capitaine d’équipe de ballon au panier dans un collège ; mais derrière ce masque se cachait une volonté de fer et la connaissance précise de ce qu’il accomplissait. (Les ouvriers l’estimaient, admiraient sa droiture et sa générosité quand il s’agissait de régler des fautes légères. Les Canadiens français l’appelaient « un bon gars », compliment que l’on ne décerne pas à tout le monde dans la forêt.)

Une stricte discipline devait être maintenue dans le camp, car il eut suffi d’un bootlegger ou d’une femme de mœurs légères pour dérégler l’horaire du travail. (Bill me chanta pouille pour avoir donné à l’un de ses contre-